Voici le compte rendu de la deuxième édition d'« OVEI » le 26 septembre 2012 au Conseil économique, social et environnemental. - 09 novembre 2012
Compte rendu de la deuxième édition d'« OVEI »
26 septembre 2012
Conseil économique, social et environnemental
Discours d'ouverture
Jean-Paul Develoye, président du CESE :
Le président du Conseil économique et social et environnemental a tout d’abord souligné la nécessité de faire évoluer le structures, mais aussi l’extrême difficulté de le faire dans un pays comme la France où l’Internet est encore décrit comme une aventure et dont les habitants, et plus encore, les élus, ont peur de l’innovation.
Il a cité l’expérience de l’évolution vers le numérique au sein du Conseil économique lui-même, avec le remplacement du papier par le courriel, le « livetweet » des séances, le « streaming » vidéo : un succès qui a succédé à une appréhension…
Il a insisté sur le besoin de « secouer le cocotier », véritable appel aux internautes avisés de bousculer les institutions, afin de le faire évoluer vers plus de transparence et plus de débat.
Laure de La Raudière, député :
La raison d’être d'OVEI c’est d’établir un dialogue direct entre les geeks (qui connaissent et font internet) et les politiques (qui représentent les citoyens et doivent défendre l’intérêt général), sans passer par le canal habituel des lobbies. Elle a insisté sur le fait que ce soir il n’y avait pas de questions naïves ou mauvaises, et que les élus avaient grand besoin de comprendre le fonctionnement d'internet pour pouvoir légiférer correctement à son sujet.
Benjamin Bayart, président de FDN :
Cet intervenant au verbe savoureux (voir ici la vidéo de son intervention) a souligné la difficulté d'expliquer l'importance du net aux personnes qui ne le comprennent pas, ainsi que de dénoncer les absurdités d’une législation élaborée par des gens ne comprenant pas internet : droit à l'oubli, filtrage de contenus, zone de non-droit, etc.
A ses yeux, la notion clé est la peur : « C'est sur internet donc c'est grave/dangereux, car incontrôlable ». Pourtant, il rappelle que c'est la société qui a choisi d'utiliser internet pour réaliser son changement (bonne technologie, bien adaptée et arrivant au bon moment), et non pas internet lui-même qui change la société.
Parmi les aberrations souvent réclamées par des gens qui connaissent mal le monde numérique, il mentionne le «droit à l'oubli» : il rappelle que l’information est publiée sur Internet, et que personne ne peut forcer les gens à l’oublier ou à ne pas le lire. Les archives sont la mémoire du monde : Benjamin Bayart pense qu’il ne serait pas sage d’imposer des « lobotomies » qui seraient autant d’ouvertures sur des dérives ultérieures de réécriture du passé.
Atelier N°1 : Gouvernance d’Internet et souveraineté.
Animé par Mathieu Weil de l’Afnic, assisté de MM Bertrand de La Chapelle de l’Icann, et Nicolas Arpagian de l’INESJ.
Tout d’abord, les intervenants ont essayé de savoir qui est réellement l’entité gouvernementale en charge de l’Internet en France.
À travers les réponses diverses, on découvre qu’il n’y a pas de responsables clairement identifiés, le Quai d’Orsay et le Ministère de la Culture qui étaient représentés ne semblent pas revendiquer spécifiquement cette tutelle.
Il a été souligné que le monde politique français avait trop tendance à prendre des décisions d’abord et à négocier les exceptions après : c’est une procédure qui s’adapte mal au monde fluctuant de l’Internet. La manière de faire en haut lieu est perçue par les acteurs du Web comme une succession d’autorisations/interdictions : couper les DNS, filtrer les paquets etc.
On déplore par ailleurs que cette gouvernance soit faite sans réelle connaissance technique du sujet comme l’a prouvé la tentative de bloquer Wikileaks avec des sanctions financières (les praticiens de l’Internet savent bien, eux, que l’hébergement d’un tel site est d’un coût dérisoire…)
Lorsque les participants ont voulu rechercher les raisons du manque d’intérêt des politiques pour l’Internet, il a été évoqué que ces derniers avaient le sentiment de n’avoir rien à y gagner. Cette situation laisse donc le champ d’action libre pour les lobbys.
La gouvernance sur Internet a ensuite été discutée et avec elle, a été abordé le problème posé aux décisionnaires nationaux qui n’ont aucun pouvoir de faire respecter leurs règles locales dans un monde par essence planétaire.
Les débats se sont ensuite centralisés sur l’ ICANN (institution sous trop grande influence des États-Unis aux dires de certains, qui n’est pas précisément un organisme américain mais n’en subit pas moins le poids du droit de ce pays) dont la légitimité a été discutée longuement et vivement par les divers participants. Les responsables présents de cette institution l’ont bien entendu défendue à grand renfort d’arguments inverses.
Les débats qui ont suivi ont cependant mis à jour la difficulté de trouver une solution alternative à l’ICANN étant donné les difficultés de créer une entité supranationale juridiquement viable.
Le débat s’est ensuite dirigé vers les tentatives d’isolation de certains internets nationaux, comme en Chine ou avec les dispositions particulières propres à la Russie.
Atelier N°2 : Droit et Internet.
Animé par Eric Freyssinet, Chef de la division de lutte contre la cybercriminalité assisté de Paul Da Silva, Porte-parole du parti pirate français.
Le débat a été lancé par Laure de La Raudière avec une question ouverte d’importance : peut-on appliquer efficacement le droit/la loi sur Internet ?
A cette question, les co-animateurs ont répondu que le droit s’appliquait sur Internet comme ailleurs. Mais le droit pouvait aussi évoluer avec des dispositions spéicifiques liées à Internet, selon les volontés du gouvernement ou du parlement. Par exemple : LOPPSI a instauré une infraction pénale concernant l’usurpation d’identité sur Internet.
Si Internet n’est clairement pas une zone de non droit, il semble que l’arsenal juridique actuel ne soit guère efficace : plusieurs pistes pour régler le problème sont évoqués comme par exemple d’ajouter une version numérique aux fondamentaux du droit.
Avec la division géographique des parquets, en France, on rencontre un problème de territoire de compétence pour les affaires de cybercriminalité. La STRDJ dépend du parquet de Bobigny qui est l’un des plus chargé de France…ce qui ralentit le jugement de certaines affaires de cybercriminalité. Concernant l’action de justice à l’international, lorsque c’est nécessaire, le problème devient opaque malgré les traités internationaux.
La discussion a ensuite porté sur le Code de l’informatique et la nécessité de le réécrire plutôt que de l’amender et l’harmoniser régulièrement, au moment même où l’on constate que les entreprises privées avancent, elles, beaucoup plus vite en profitant du flou juridique. Ont été évoqués, la convention de Budapest qui régit les questions de criminalité informatique, ainsi que le problème de savoir qui est le propriétaire du Cloud…
Puis ont été évoquées les tentatives d’intrusion par «scan de port» et leur qualification juridique, ainsi que la perception d’Internet par le grand public comme un outil dangereux.
On a rappelé qu’à l’heure actuelle, ceux, en particulier les chercheurs, qui trouvent des failles dans les programmes après une intrusion volontaire risquent une sanction pénale alors que leur action peut être utile à tous. Les intervenants ont signalé que la solution à ce problème se trouvait probablement dans une discussion plus avancée entre les différentes parties prenantes plutôt que par une réglementation supplémentaire. En général, aujourd’hui, les situations particulières de ce type se règlent en bonne intelligence entre les parties concernées.
Après l’évocation des problèmes que posent les fausses informations qui circulent sur Internet (Hoax) et le bombardement de courrier par Internet (Spam), le débat s’est terminé sur un consensus : un effort de pédagogie est nécessaire pour une meilleure compréhension par le grand public.
Atelier N°3 : Fracture numérique
Animé par Raphaël Maunier (Opérateur, co-fondateur de France-IX) assisté d’Antoine Darodes de l’Arcep, et Julien Rabier (Opérateur, FDN)
Les animateurs ont voulu orienter les discussions vers les problèmes rencontrés en région : Comment s’y implanter, comment y apporter le haut débit, comment faire la part de ce qui est régulé ou non ?
Le rôle de l’ARCEP, autorité administrative indépendante, a été précisé, en particulier en ce qui concerne les objectifs d’aménagement numérique du territoire dont il détermine les règles mais sans assumer l’aménagement lui-même.
Les représentants locaux soulignent l’absence de moyens pour déployer les infrastructures, alors qu’ils ont une bonne connaissance des failles techniques et des contraintes du terrain.
Il a été rappelé que le haut débit, c’est juste celui qui est supérieur à 512 ko/s, et que 30 % de la population a toujours un débit inférieur à 4 Mb/s. Face à ce constat en particulier dans les zones dépourvues d’investisseurs privés, l’inégalité est la règle : l’État ou l’ARCEP sont-ils capables d’accompagner les élus ?
Ont été évoquées les difficultés posées par le nombre trop important de décisionnaires qui peut mettre à mal la cohérence d’un schéma général, en particulier lorsqu’existent des initiatives locales intéressantes mais difficiles à intégrer en termes de standard.
Puis le débat s’est orienté vers les technologies les plus à même de servir les lieux isolés : filaire, BLR, Wimax etc.
Entre les gros « tuyaux » (fibre noire), dont les coûts sont abordables du fait de la concurrence en particulier d’opérateurs internationaux, et le réseau capillaire local, il y a aujourd’hui un vide technique et un manque d’investissements clairement identifié. Il est dû, entre autres, à des tarifs peu flexibles dans le temps : la question de révision de ces deniers est donc posée.
Les solutions peuvent être trouvées dans une mutualisation des ressources et plus généralement en faisant un meilleur état des lieux des grands réseaux (backbone) sur le territoire. Aux conflits générés, l’ARCEP peut éventuellement apporter le rôle d’arbitre.
En fin de débat, un parlementaire s’est exprimé pour souligner son besoin de solutions locales haut débit pour répondre très concrètement aux besoins pressants des électeurs de ses 27 communes. Il a posé la question du meilleur choix technologique et a déploré l’absence d’interlocuteur pour l’aider. Il lui a été recommander d’opter pour la fibre optique malgré son coût puis d’intégrer les techniques susmentionnées selon ses besoins finaux.
Cette intervention a été l’occasion de souligner les problèmes que pose la multiplicité des décisionnaires et des subventions, et l’urgence de repenser le conseil et la planification dans ce domaine.
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