La "loi d’avenir pour l’agriculture": un projet ni constructif, ni abouti, qui ne répond pas aux besoins des agriculteurs - 09 janvier 2014
Voici le compte rendu intégral des débats pendant lesquels j'ai tenté au cours de la séance du mardi 7 Janvier, de faire réaliser au gouvernement combien il est éloigné des préoccupations réelles des agriculteurs et pourquoi il fallait retravailler le texte en commission :
Motion de renvoi en commission
La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues,
l’intérêt de notre assemblée pour l’agriculture est constant, sur tous
les bancs, et le nombre de députés intervenant dans la discussion
générale en est le premier signe. C’est à cause de la fonction première
de l’agriculture, qui est d’assurer l’alimentation des populations.
C’est aussi un secteur économique majeur pour la France, qui contribue
au commerce extérieur par une production excédentaire et de qualité.
Malheureusement,
le texte qu’il nous appartient d’examiner aujourd’hui n’est ni
constructif, ni abouti, et il ne répond pas aux besoins de nos
agriculteurs.
La politique développée au fil des articles semble
issue d’un mélange de nostalgie de l’agriculture d’antan et de bons
sentiments écologiques. En dépit de quelques titres trompeurs, elle ne
traduit en aucun cas une vision économique et innovante de
l’agriculture, adaptée à la vive concurrence européenne dans de très
nombreuses filières. La France est passée de la première à la troisième
place européenne.
M. Germinal Peiro, rapporteur. Eh oui ! Enfin un aveu !
Mme Laure de La Raudière. Vous avez supprimé les mesures spécifiques de compétitivité que nous avions votées pour assurer une réelle baisse des charges dans les exploitations agricoles embauchant des salariés. Cela avait été le fruit d’un important travail de parlementaires tels que Bernard Ryes et Jean Dionis du Séjour, que je voudrais saluer. Dans l’opposition, à l’époque, vous les aviez pourtant soutenues, car vous saviez qu’il était nécessaire d’armer notre agriculture pour faire face à la compétition internationale.
M. Philippe Gosselin. C’était hier !
Mme Laure de La Raudière. Notre sentiment, finalement, c’est que, pour vous, la France vit en vase clos, sans échanges, sans concurrence, sans objectif de compétitivité, si nécessaire pour la pérennité de nos exploitations agricoles, et, au lieu de simplifier la vie des agriculteurs, monsieur le ministre, le texte contient plusieurs mesures venant complexifier leur quotidien.
M. Philippe Vigier. Eh oui !
Mme Laure de La Raudière. Ne serait-ce que pour mieux répondre à ces deux enjeux majeurs, le renvoi du texte en commission est souhaitable,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Évidemment !
Mme Laure de La Raudière. …mais plusieurs autres éléments justifient un tel renvoi, certains de forme, d’autres de fond.
Pour
la forme, chers collègues, permettez-moi de revenir un instant sur les
conditions dans lesquelles ce texte a été examiné par la commission des
affaires économiques.
En fin d’année, nous avons examiné trois
textes très volumineux, dont certains sujets se croisent et
s’entrecroisent, à tel point que nous créons régulièrement des doublons,
mais sans adopter la même version. Ce n’est pas raisonnable, et cela
montre que nous n’avons pas suffisamment approfondi certains
amendements, je pense notamment à une disposition concernant l’urbanisme
qui est redondante mais non identique dans la loi relative à
l’agriculture et dans celle sur le logement.
Les missions
d’information, qui sont un élément important du travail des commissions,
sont arrêtées faute de moyens. Le temps consacré au contrôle de
l’action du Gouvernement se réduit comme peau de chagrin, alors que
c’est l’un des rôles majeurs du Parlement, à cause de la charge de
travail que nous donnent les textes que nous examinons actuellement.
Nous enchaînons les textes, véritables logorrhées législatives,…
M. Marc Le Fur. Exactement !
M. Philippe Vigier. Et le Parlement est bafoué !
Mme Laure de La Raudière. …alors que le Président de la République s’est engagé devant les Français à créer un choc de simplification et promet moins de normes et de contraintes. Je cherche la cohérence. Il n’y en a pas. Une liste à la Prévert d’objectifs pour l’agriculture est présentée à l’article 1er, et des mesures techniques s’enchaînent au fil des articles suivants. Je cherche l’ambition, les réelles priorités. Il n’y en a pas.
M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !
Mme Laure de La Raudière. Je souhaiterais aussi pointer du doigt le timing de l’examen de ce texte, en commission juste avant Noël, et en séance juste après. Admettez que c’est une période vraiment peu propice à la concertation avec les professionnels et les acteurs économiques concernés. Il est fort à craindre qu’une fois ce texte adopté à l’Assemblée nationale, le réveil ne soit douloureux et que son examen au Sénat puis la seconde lecture ne donnent lieu à des retours en arrière,…
M. Philippe Le Ray. Exactement !
Mme Laure de La Raudière.
…comme c’est le cas sur de nombreux textes depuis dix-huit mois :
bonus-malus énergétique, garantie universelle des loyers dans la loi
relative au logement, par exemple.
La majorité en place a-t-elle
entendu le président du Conseil constitutionnel lors de ses vœux,
prononcés hier, quant à la production de « lois aussi longues
qu’imparfaitement travaillées » ?
M. Marc Le Fur. Très bien !
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est bien dit !
M. Jean-Frédéric Poisson. Il a sûrement raison !
Mme Laure de La Raudière. Cela mériterait que nous retournions en commission sur ce texte, pour en travailler un peu plus au fond certains aspects.
Comment
peut-on dans de telles conditions produire un travail de qualité ? Un
vrai travail de commission, long, serait utile pour bien saisir la
cohérence des textes et s’assurer qu’ils n’ont pas d’effets
contradictoires et contre-productifs. Ces remarques de forme justifient
un renvoi en commission pour obtenir une rédaction satisfaisante.
Plusieurs
autres arguments plaident en ce sens, s’agissant maintenant du fond du
texte. Les débats en commission ont montré que personne ne s’accorde sur
ce que sera un groupement d’intérêt économique et environnemental,
dispositif prévu à l’article 3. La question de la personnalité morale du
GIEE a été au cœur de nos discussions, notamment avec l’adoption d’un
amendement précisant que le GIEE est doté de la personnalité morale,
alors que le projet de loi laissait ce choix ouvert. Nous avons
également adopté un amendement pour autoriser ces groupements à passer
par un organisme stockeur, alors que le texte le leur interdisait. Je
crains que beaucoup d’autres interrogations subsistent sur ce
groupement. J’ai l’impression que l’étude d’impact n’a pas été assez
approfondie…
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est peu de le dire !
Mme Laure de La Raudière.
…et que vous répondez, avec ce GIEE, plus à une demande de politique
politicienne qu’à des besoins intéressant les acteurs principalement
concernés, à savoir les agriculteurs.
Un autre amendement a été
adopté pour préciser que les exploitations agricoles devront rester
prépondérantes. Ouf ! Mais le ministre et le rapporteur n’ont pas su
nous dire quelles seraient les autres personnes morales présentes dans
le GIEE. On sait que ces structures pourront bénéficier de subventions
majorées. Les agriculteurs s’inquiètent donc que l’on puisse prélever
sur le montant du budget qui leur est alloué pour financer
prioritairement certaines filières – pourquoi pas biologiques ? Pourquoi
pas d’autres filières de prédilection politique ? –, ou d’autres
activités, ou des structures spécifiques, par une réallocation
budgétaire. Mais rien n’est clairement dit, rien n’est clairement
précisé. Nous avons le sentiment que vous avancez masqués. Sur ce sujet,
un débat plus éclairant en commission aurait été un minimum vis-à-vis
de la représentation nationale.
Je souligne l’intérêt que
pourrait représenter l’adoption d’un autre amendement de l’UMP proposant
une expérimentation du GIEE. Au vu du stade où en est votre réflexion,
ou de ce dont vous nous avez fait part, cela permettrait de roder et de
parfaire ce dispositif avant de l’étendre.
Un autre sujet nous
préoccupe régulièrement dans nos travaux législatifs, la
contractualisation ; il en est question à l’article 7. Ce sujet a fait
depuis des années l’objet de mesures, notamment dans la LME, la loi
Chatel, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sans
que personne ne soit parvenu à trouver la solution. Les textes se
succèdent, créant toujours davantage d’incertitudes juridiques, et les
producteurs demeurent le maillon faible de la chaîne menée par la grande
distribution. C’est un vrai sujet, qui mériterait un travail approfondi
de réflexion et de concertation avec l’ensemble des acteurs, et qui va
bien au-delà de ce que prévoit le texte.
Enfin, et cela rejoint
mon propos précédent, ce texte regorge de mesures allant dans le sens
d’un encadrement administratif plus poussé et d’une complexification des
démarches. Ce gouvernement et cette majorité sont-ils – je n’ose le
croire – à ce point déconnectés de la réalité qu’ils n’entendent pas les
agriculteurs, comme les chefs d’entreprise de ce pays, qui étouffent,
manquent littéralement d’air,…
M. Nicolas Dhuicq et M. Marc Le Fur. Très bien !
Mme Laure de La Raudière. …oppressés par une charge administrative insupportable, et qui ne comprennent pas, en ce qui concerne les agriculteurs, pourquoi leurs homologues allemands, espagnols, hollandais, belges, ne sont pas traités à la même enseigne, alors que l’agriculture est une compétence européenne.
M. Claude de Ganay. Eh oui : pourquoi ?
M. Michel Vergnier. Que n’y avez-vous pensé plutôt !
Mme Laure de La Raudière.
Cela a toujours été ma préoccupation, cher collègue ! Je suis
constante en la matière : j’y pense et j’y pensais aussi sous la
précédente législature.
Enfin, il me semble que ce texte manque
de vision et de précision. Un exemple : l’article 8 sur les
interprofessions. Il instaure comme critère de représentativité un seuil
de 80 % des voix aux élections des chambres d’agriculture. Pourquoi
80 % ? En commission, nous avions proposé la majorité, 50 %, ce qui est
habituel dans nos votes, suivant ainsi la proposition de la fédération
majoritaire chez les agriculteurs, la FNSEA. Le ministre nous avait dit
que le Conseil d’État considérait qu’un pourcentage de 75 % assurait la
représentativité de tous. Finalement, le débat en commission a sans
doute porté quelques fruits puisque un amendement gouvernemental propose
un nouveau seuil de 70 % ; la commission l’a adopté lors de l’examen
selon la procédure de l’article 88. Mais, objectivement, ce seuil de
70 % ne permettra pas d’éviter les écueils que présentait le seuil de
80 % : une minorité de représentants de la profession agricole pourra
toujours bloquer le travail dans les interprofessions, alors même que la
majorité des acteurs engagés dans les interprofessions sont satisfaits,
selon leurs dires, du fonctionnement actuel.
M. Germinal Peiro, rapporteur. Vous n’avez jamais voulu du pluralisme !
Mme Laure de La Raudière. Vous le voyez, sur ce sujet important, nous pourrions aisément retravailler avec vous en commission.
Autre
point, et non de moindres, puisque c’est presque le principal argument
justifiant un renvoi en commission : le recours aux ordonnances. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Certaines sont techniques, d’autres sont beaucoup plus politiques et
méritent un débat avec la représentation nationale. Vous nous aviez
promis, monsieur le ministre, de nous communiquer les orientations
prévues dans les ordonnances d’ici à l’examen en séance.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Non : avant la deuxième lecture !
Mme Laure de La Raudière.
Nous avons commencé l’examen en séance mais je n’ai personnellement
rien reçu – je crois que mes collègues non plus – et je m’inquiète du
contenu de ces ordonnances.
Quand nous lisons, à l’alinéa 4 :
« Compléter la liste des personnes habilitées à rechercher et à
constater les infractions dans le domaine de la santé animale ou
végétale », est-ce pour augmenter les contrôles des exploitations
agricoles et mettre ainsi plus de pression sur les agriculteurs ? Ce
sont les questions que se posent les éleveurs, si découragés devant
l’excès de normes françaises par rapport à la concurrence européenne.
Quand
nous lisons, à l’alinéa 7 : « Adapter au droit de l’Union européenne
les dispositions relatives au transport des animaux vivants et aux
sous-produits animaux », toute la filière de l’abattage des animaux se
demande si vous souhaitez durcir le droit européen, comme elle en a
l’habitude.
Je vous fais grâce des autres alinéas, monsieur le
ministre. Il y a dix-sept ordonnances ; un amendement adopté à l’article
18 en retire une, il en reste donc seize. Nous n’en avons pas débattu
en commission et nous n’en connaissons pas les orientations.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il fallait venir en commission !
Mme Laure de La Raudière.
Monsieur le ministre, au nom de votre engagement de nous fournir les
informations détaillées sur le contenu des ordonnances, vous
conviendrez, j’espère, en toute bonne foi, que cela mérite un renvoi en
commission pour approfondir ces dispositions. J’attends d’ailleurs sur
ce sujet un appui solide du président de la commission des affaires
économiques, François Brottes, qui a présidé l’essentiel des débats et
souligné l’importance d’avoir ces éléments avant l’examen en séance.
Ce
que les agriculteurs attendent est au fond l’exact opposé de ce texte :
un allégement des contraintes administratives, une baisse des charges
qui leur permettra de produire mieux et d’innover, de la stabilité
juridique.
Ce texte traite les questions petit bout par petit
bout, sans ambition : un peu de nouveauté, avec le GIEE et ce concept
étrange d’agro-écologie, très bien présenté par Antoine Herth, un peu de
transmission, un peu de contrôle des structures, un peu de coopérative,
un peu de contractualisation, un peu d’interprofession,…
Un député du groupe UMP. C’est du saupoudrage !
Mme Laure de La Raudière. …mais ce n’est pas avec ça que l’on va apporter des réponses à la crise que traversent les agriculteurs. Ce texte aurait-il permis aux éleveurs bretons, aux abattoirs Gad de se maintenir à flots, de se développer ? La réponse est malheureusement non.
M. Philippe Le Ray. Exactement !
Mme Laure de La Raudière. Ce texte ne rassemble pas les agriculteurs, monsieur le ministre. Avec la traduction nationale de la PAC, le Gouvernement les a divisés en jouant les éleveurs contre les grandes cultures. Or la ferme France doit être une vision d’ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L’agriculture est un secteur économique où tout se tient : on ne peut pas opposer les uns aux autres, et vous le savez pertinemment. Ce n’est pas en donnant cinquante euros par bovin supplémentaire que l’on parviendra à un équilibre sur l’élevage.
M. Nicolas Dhuicq. Très bien !
M. Germinal Peiro, rapporteur. Il vaut sûrement mieux ne rien donner !
Mme Laure de La Raudière. Au contraire, il faut rassembler et faire en sorte que les uns travaillent avec les autres sur notre territoire.
Pour
toutes ces raisons, parce que nous avons besoin de davantage de temps,
de recul, de concertation, de travail, et afin d’y voir clair sur les
intentions du Gouvernement concernant les ordonnances, nous vous
proposons de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
1 Commentaire |
flonflon61
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je n'ai pas grand chose à vous dire sauf que vous vous manisfestée dans beaucoup de domaine comme le fais Mme LOUVAGIE remplacant Mr LENOIR alors j'aimerai vous soumettre mon projet d'assurer une permanenceànogent le ROTROU pour personne connaissant des problemes avec l'alcool et je suis aussi connu du csapa 28 et de pascal BONHAMY de vie libre si ce courrier vous est parvenu j'aimerai avoir des suites via le service hospitalier de nogent et de la mairie que j'ai deja contacte dans l'attente croyer à mon plus grand respect Mr FLON flonjean@orange.fr ( 0631113161 0237497456) merci |
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