Présentation de la télévision connectée et réunion avec M Paolini, PDG de TF1 pour évoquer l’avenir de l’audiovisuel français. - 26 novembre 2012
Avec plusieurs de mes collègues députés européens, nous avons été reçus au siège de TF1 à Boulogne-Billancourt le 15 Novembre 2012, afin de débattre des évolutions rapides du monde audiovisuel, de leur impact sur la production et l’emploi dans cette filière et d'évoquer les conséquences législatives de cette nouvelle donne.
La situation est complexe au moment où j’écris ces lignes: la France, qui dispose d’un réel savoir-faire dans le domaine audiovisuel, se distingue malheureusement par un statut à part dans ce secteur à cause d’une réglementation très stricte sans équivalent à l’étranger.
Ces règles dont les fondements
sont fort respectables: protection infantile, respect des diversités
culturelles, exception culturelle française, taux de fictions, de
documentaires, encadrement de la publicité… ont fini, au gré des années et des
strates législatives successives, par créer un carcan qui handicape l’audiovisuel
français dans la concurrence internationale.
Les
règles édictées par le conseil supérieur de l’audiovisuel, à
partir des souhaits du législateur, fourmillent d’exceptions, d’encadrement, de
quotas, des listes de produits interdits de publicité, d'horaires de diffusion
spécifique à l’âge des spectateurs, de mesures propres au respect des sensibilités ethniques ou
culturelles, etc …
Cette constatation est d’autant
plus actuelle que grâce aux nouvelles technologies, on assiste à
l’émergence d’entreprises capables d’offrir à tous de manière légale (ou non),
une très grande partie du contenu audiovisuel mondial sous un format de plus en
plus pratique et convivial : un éditeur de site Internet peut ainsi créer sa
chaine de télévision sur Internet, s’affranchir des nombreuses contraintes
réglementaires imposées aux diffuseurs traditionnels et offrir ainsi une
approche audiovisuelle plus moderne (cf aufeminintv.com).
Un téléspectateur
averti peut désormais créer sa liste de lecture vidéo en sélectionnant les
programmes de son choix qui seront automatiquement compilés dans sa «chaîne
personnelle» : c’est ce qu’offrent désormais Google TV et ses concurrents.
L’audiovisuel français va connaître un bouleversement inédit avec la banalisation progressive dans les foyers français des téléviseurs connectés.
Afin de lutter contre les géants de l’Internet qui investissent avec talent ce secteur de marché, la solution ne peut certainement pas rester franco-française : nous avons un chantier énorme devant nous. Les enjeux politiques et sociétaux sont importants et sensibles, comme à chaque fois que l’on « touche » au monde de la télévision en France.
Comme je l’ai déjà évoqué dans un
billet précédent rappelons par exemple qu’au moment où une entreprise
comme TF1 est taxée à 38 % sur son bénéfice, Google ne paiera que 2,5
% d’impôts sur ses bénéfices en France.
Cette situation est moralement et
économiquement intenable: Google TV ne subira pas la réglementation
spécifique du secteur (Entre autres: financement des contenus , contrainte sur la
ligne éditoriale), et ne contribuera pas au financement de l’État (par le biais de l’impôt),
tout en produisant à un prix imbattable son contenu télévisuel.
Aujourd’hui, la production audiovisuelle
française, dont le chiffre d’affaires s’élève à 850 millions d’euros, ne
réalise que 20 millions d’exportations. De plus, cette industrie subventionnée
par le CNC (Centre National du Cinéma) n’est pas aussi créatrice d’emplois
qu’on pourrait l’espérer : citons par exemple, la future série télévisée
historique « Versailles » qui est en cours de tournage et dont on peut espérer
qu’elle fera beau succès. Elle a été principalement produite en Irlande et à Prague,
et non pas comme on pouvait l’imaginer au château de Versailles ; n’est-ce
pas choquant ?
Paradoxalement, l’un des secteurs audiovisuels qui bénéficie le moins de la manne du financement français est l’un des plus dynamiques : il s’agit des films d’animation… cela mérite réflexion.
Rappelons aussi une particularité unique du système français, seul pays où production et diffusion sont dissociées à cause d’une réglementation désuète.
Le résultat est paradoxal :
la télévision française est devenue le premier diffuseur européen de séries
américaines, au moment même où les pays voisins s’efforcent de promouvoir les films
de leurs producteurs nationaux !
Afin de nous sensibiliser à l’état du marché, une démonstration de télévision connectée nous a permis de visionner en parallèle le même film sur plusieurs écrans, via des canaux de diffusion concurrents tels que ceux dont dispose désormais un particulier bien équipé.
Nous avons donc vu successivement : une « vidéo à la demande » de TF1 qui coute 2,99€, puis le même film sur Apple TV (accès également payant mais dont les revenus ne sont pas redistribués de la même façon et qui échappent à l’impôt). Enfin, nous avons visionné via GoogleTV une version piratée. Cette dernière étant directement accessible via le menu déroulant du portail d’une télévision connectée dernier modèle qui offrait indifféremment du contenu légal et illégal aux téléspectateurs... Notons que cette copie, totalement gratuite, était d’une qualité vidéo tout à fait satisfaisante.
Mentionnons également que les deux dernières offres n’obéissent pas aux contraintes commerciales françaises : on y voit donc apparaître des publicités pour l’alcool, le tabac, les produits à caractère sexuel, ou les médicaments en ligne. Sans s’étendre sur l’aspect moral de cette pratique, on comprend bien que l’État français et les producteurs de contenus sont floués.
De nombreuses offres sont en train de se développer comme par exemple celle de «Auféminin TV», qui est désormais une véritable plate-forme d’information proposant aux spectateurs des sous-menus thématiques, ou plus encore l’offre de «YouTube» qui permet à l’utilisateur qui aura préalablement renseigné ses préférences de créer « sa propre chaîne de télévision ». Il peut alors visionner en flux continu des fictions et des documentaires (et bien entendu des publicités) exclusivement dédiés à sa passion, sans que le moindre centime ne retombe dans l’escarcelle des créateurs nationaux.
Nous savons que c’est toujours le «terminal», l’interface (écrans de télévision, d’ordinateur, tablettes etc.) qui est à l’origine des ruptures techniques. Ne tombons donc pas dans le piège des combat d’arrière garde: Il est plus judicieux, je pense, de consacrer notre énergie à la création d’un droit et d’un système de rémunération adaptés, non pas à notre paradigme franco-français, mais à la nouvelle dimension technologique : l’Europe au minimum.
Aujourd’hui, on a le sentiment que la commission européenne cherche plutôt à favoriser la concurrence (ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi) que la construction de «poids lourds audiovisuels» européens capables de se mesurer à "Itunes" ou à "Netflix": les fameux «triples passagers clandestins » qui n’assument ni les contraintes de prix du contenu, ni la construction et l’entretien des réseaux, ni le paiement des taxes nationales.
Je souhaite, comme mes collègues de Bruxelles, que la production audiovisuelle européenne soit désormais considérée comme une industrie à part entière, capable de créer ses propres «Majors » adaptés au monde de l’Internet. Il faut que les règles fiscales fassent contribuer beaucoup plus qu’aujourd’hui les géants de l’Internet au financement des pays européens et à la culture.
A défaut, ces mastodontes du nouveau monde numérique, continueront de courir a grandes enjambées devant nous pendant que nous faisons la course en sac.
1 Commentaire |
lbelvtv
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Bonjour Madame, si il est intéressant de comprendre via des grands acteurs comme TF1, l'évolution de ce secteur, il vous sera utile également d'apercevoir de nombreux changements via des starts-ups qui ont pris le parti de créer des nouveaux medias, sans aide, sans réseau, avec une volonté, offrir aux Français, un nouveau media moderne, accueillant et accessible, sur le Web et la Tv, c'est le cas de www.labourseetlavie.com, dont je vous invite à contacter le fondateur. Cela vous permettra de vous rendre compte des difficultés pour faire émerger en France de nouveaux acteurs, et ne pas seulement laisser la place à ceux qui n'ont pas toujours vu venir l'évolution technologique, qui rabat les cartes. |
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