Le rapport du Conseil d'orientation des retraites vient de tomber : il est clair et net. - 14 avril 2010
Dans la droite ligne du billet précédent, afin de dissiper l'illusion que se plait à faire planer l'opposition, j'invite le lecteur à prendre connaissance de cet état des lieux sans équivoque:
Rapport du Conseil d’orientation des retraites
du 14 avril 2010
Quelles sont les principales conclusions du rapport du COR ?
Le Conseil d’orientation des retraites confirme que nos régimes de retraite sont confrontés à une situation très difficile, qui menace leur pérennité : dès aujourd’hui une retraite sur 10 n’est pas financée ; si nous ne faisons rien, ce sera une sur 6 en 2030. En 2050, le déficit prévu sera supérieur à 100 Mds d’euros par an (2010 : - 32 Md€; 2020 : -45 Md€ ; 2030 : - 70 Md€).
A l’origine de cette situation, on trouve des causes structurelles, liées notamment à l’augmentation de l’espérance de vie :en 2010, nous avons 16 millions de retraités, ils seront 18 millions en 2020 et 22 millions en 2050 ; le ratio d’actifs sur retraités, qui constitue l’indicateur déterminant du régime de retraite français fondé sur la solidarité entre les générations, va se dégrader fortement : 4 en 1960 ; moins de 1,8 en 2010 ; 1,5 en 2020 ; 1,2 en 2050.
La crise a accéléré ce processus : la chute des recettes des régimes de retraite, en raison de l’augmentation du chômage, fait que nous avons aujourd’hui le déficit que le COR prévoyait, dans ses dernières prévisions qui datent de 2007, pour l’année 2030 (1,6 point de PIB). De même le déficit prévu pour 2030 (70 Mds d’euros) est celui qui était prévu pour 2050 : nous avons anticipé de 20 ans les déficits de nos régimes de retraite
Pour résumer, la crise n’est pas à l’origine du problème du régime de retraites français, mais a rapproché ces difficultés. La véritable cause de nos problèmes, c’est la démographie (espérance de vie en hausse et vieillissement de la population), la crise en est l’accélérateur.
N’est-ce pas dépendant des perspectives économiques ?
Le COR a fait trois scénarios (selon le niveau de chômage et de progression de la productivité). Dans le meilleur des cas (chômage à 4,5 % à compter de 2024 et croissance moyenne de la productivité de 1,8 %), le déficit sera de 56 Md€ en 2030 et 72 Md€ en 2050, ce qui est considérable
On voit donc bien que, quel que soit le scénario, nous avons devant nous un problème immense, qui nécessite des solutions réelles et durables. Les déficits seront naturellement encore plus importants si le chômage se situe à un niveau plus élevé, ou la productivité à un niveau moindre que les hypothèses retenues
Lorsque Pierre Moscovici dit que le parti socialiste abordera la question des retraites en tenant compte du fait que la croissance va repartir, il se trompe. Le rapport du COR, en fondant deux de ses scénarios sur un chômage revenu à 4,5 %, tient déjà compte du retour de la croissance; tous les partenaires sociaux ont reconnu qu’il y avait un problème de déséquilibre financier majeur des retraites.
C’est une avancée très importante, car cela signifie qu’il y a désormais un consensus sur le fait qu’il faut agir.
Qu’ont fait les autres pays ?
La plupart des pays européens qui sont confrontés aux mêmes problèmes que nous ont d’abord agi sur leurs systèmes de retraites. Face aux mêmes évolutions démographiques, ils ont réformé leurs systèmes pour inciter les personnes à prolonger leur activité : les possibilités de départ anticipé ont été restreintes (Espagne, Allemagne, Belgique, Pays-Bas…) ; la prolongation d’activité a été rendu plus attractive, par la réforme des barèmes de pension (Allemagne, Royaume-Uni…) ; l’âge légal de la retraite à taux plein a été repoussé (en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, il passera progressivement de 65 à 67 ans).
« Tous ces problèmes sont dus à la crise : c’est la faute des traders ».
Le problème est structurel et date d’avant la crise : c’est le choc démographique qui explique le niveau des déficits dans le futur. La France est confrontée au défi du vieillissement, qui conduit à une augmentation considérable des pensions de retraites à payer : il va y avoir de plus en plus de retraités, et qui vivront de plus en plus longtemps, par rapport au nombre d’actifs pour payer les cotisations ;
la crise n’a fait qu’accélérer ces déficits : en 2010, nous sommes au niveau de déficit que le COR, en 2007, attendait pour 2030 (1,6% du PIB).
« On dit que le rapport du COR parle d’une baisse des pensions ? »
Le COR montre que, contrairement à ce qui est parfois affirmé, le niveau moyen des pensions continuera de connaître une forte croissance dans les années qui viennent : les pensions moyennes devraient connaître une augmentation de 20% d’ici à 2030 en euros constants (c’est-à-dire en plus de l’inflation) ; le rapport montre également que les pensions évoluent un peu moins vite que les salaires (le rapport entre les pensions et les salaires baisse de 15% d’ici à 2030). Mais on ne peut pas déduire de ce chiffre que le niveau de vie des retraités va être inférieur à celui des actifs. En effet, le niveau de vie dépend de beaucoup d’autres éléments : le fait d’avoir ou non des enfants à charge, le fait d’être propriétaire ou locataire, l’importance des revenus du patrimoine…
Tous ces éléments jouent généralement en faveur des retraités et expliquent qu’aujourd’hui leur niveau de vie soit égal, voire légèrement supérieur à celui des actifs.
« En réalité, tout est déjà décidé, vous allez augmenter l’âge de la retraite »
Pour rééquilibrer les régimes de retraite, trois leviers sont en théorie possibles :
soit on baisse les pensions : ce n’est pas envisageable, comme l’a rappelé le Président de la République ; soit on augmente les cotisations : dans ce domaine, nos marges de manœuvre sont très limitées, le taux de cotisation « retraite » est déjà l’un des plus élevés d’Europe (29% des salaires contre 18,5% en Suède et 19% en Allemagne).
Toutes cotisations confondues, le niveau de cotisations est supérieur à 70 %. Plus de cotisations, c’est d’abord plus de chômage, en particulier des moins qualifiés ;
soit on travaille plus longtemps : cela n’a rien d’anormal dans un pays où l’espérance de vie a augmenté de plus d’un trimestre par an depuis la création de la sécurité sociale en 1945.
Ce qui est donc clair, c’est que le Gouvernement privilégie le troisième levier : travailler plus longtemps, et ne s’en est jamais caché. Mais quel est le bon levier pour travailler plus longtemps ? Il y en a plusieurs : l’âge de la retraite, la durée de cotisation, l’action sur l’emploi des seniors.
Eric WOERTH discutera de ces leviers dans le cadre de la concertation qui a débuté le 12 avril avec les partenaires sociaux. Il mènera également une discussion sur la pénibilité car il est indispensable de traiter ce thème lorsqu’on réfléchit aux conditions permettant de travailler plus longtemps. Sur des sujets aussi complexes que la retraite et le rapport entre l’activité et l’inactivité, on ne peut pas se permettre d’avoir des idées préconçues.
« Pour régler le problème il suffit d’augmenter les prélèvements. Le problème, ce sont les recettes qui sont insuffisantes, et le paquet fiscal a encore aggravé cette situation ».
L’origine du problème des retraites est démographique, elle ne se situe pas dans un faible niveau de ressources du système : la France consacre déjà 12,8% de son PIB au financement des régimes de retraite, soit le 3ème niveau en Europe. C’est considérable.
De façon générale, le poids des prélèvements obligatoires et déjà très élevé en France par rapport à nos principaux partenaires : 43% en 2008 contre 27% aux Etats-Unis, 36% en Allemagne et 33% en Espagne.
Si l’on augmente la CSG, les cotisations ou les impôts, cela signifie que l’on accepte de baisser le niveau de vie des retraités et des actifs. Cela signifie aussi pénaliser les jeunes, qui vont devoir payer durant toute leur vie ces prélèvements supplémentaires. Enfin, cela pèserait sur la compétitivité de notre pays, sur la croissance et l’emploi.
Le Gouvernement fait le choix de la protection du niveau de vie et de l’emploi des Français, pas de leur dégradation. Tous ceux qui préconisent le recours massif aux prélèvements font, sans le reconnaître, le choix inverse.
« Il est tout à fait possible d’augmenter les prélèvements sur les plus riches ou sur le capital pour financer les retraites ».
Il peut être nécessaire d’augmenter tel ou tel prélèvement pour des raisons d’équité, dans le cadre de la réforme des retraites. C’est une possibilité que le Gouvernement n’exclut pas.
Mais faire croire que l’on règlera le problème des retraites en augmentant massivement les prélèvements, en particulier sur le capital ou les « riches », c’est mentir aux Français : l’impôt sur le revenu rapporte 50 Md€ : si l’on augmentait les taux de 50 %, on n’aurait toujours pas suffisamment d’argent pour financer le seul déficit 2010 ; le bouclier fiscal, c’est un coût de 600 millions d’euros pour un déficit prévisionnel 2010 de 32 milliards d’euros : c’est plus de 50 fois plus ; l’assiette de taxation des stocks options, c’est 2 milliards d’euros.
Même si on les taxait à 100 %, il resterait toujours 94 % du déficit en 2010 et 98 % en 2050.
« Cette réforme sera du rafistolage, ce qu’il faut c’est remettre le système complètement à plat »
La France peut techniquement changer de système, le Conseil d’orientation des retraites l’a dit après avoir étudié très précisément cette piste. Mais la vraie question est de savoir si cela nous aide à résoudre nos difficultés de financement. Sur ce point, la conclusion du COR est simple : le passage à un autre système (retraite par points, système de comptes notionnels à la suédoise) ne résout en lui-même aucun des problèmes de financement de nos régimes de retraite.
L’allongement de la durée de la vie et le papy boom constituent une réalité incontournable : le simple fait de changer de régime n’enlèvera rien au fait que les Français vivent plus longtemps. La seule vraie solution aux déséquilibres des régimes de retraite réside dans le fait de travailler plus longtemps.
« Il y a déjà eu 4 réformes des retraites en 20 ans, cette nouvelle réforme montre bien que les autres n’ont servi à rien. »
Les précédentes réformes ont eu un impact élevé : elles ont permis de diviser par deux environ le déficit des régimes en 2010. Le livre Blanc sur les retraites avait en effet prévu 300 Mds de francs de déficit en 2010, soit l’équivalent de 60 Mds € en tenant compte de l’inflation. On voit que, même en tenant compte de la crise, le déficit a été environ divisé par deux.
Toutefois, l’objectif de ces réformes était limité dans le temps (la réforme de 1993 prévoyait des ajustements jusque 2008, celle de 2003 jusque 2020). Or la crise a anticipé de 20 ans les déficits auxquels nos régimes sont confrontés : le niveau actuel (1,6 % de la richesse nationale) est égal à celui qui était prévu pour 2030 dans les dernières projections du COR. Une nouvelle réforme est donc indispensable.
« Le rapport du COR indique que pour équilibrer les régimes, il faut décaler de 5 ans l’âge de départ en 2020 : c’est insurmontable »
Ne faites pas dire au COR des choses qu’il n’a pas voulu dire. Vous faites référence à une simulation théorique, mentionnée par le COR, qui n’intègre pas entièrement les effets des précédentes réformes (1993 ; 2003).
Néanmoins, le Gouvernement n’a jamais caché qu’il était nécessaire, pour concilier sauvegarde de notre régime de retraite et préservation du niveau de vie de tous les Français, de travailler plus longtemps. Nous discuterons avec les partenaires sociaux des objectifs qu’il faut se fixer dans ce domaine et du meilleur levier pour l’atteindre.
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