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Hadopi: une loi qui n'est pas simple à mettre en place. - 04 mai 2010

Vu dans "le Nouvel Observateur.com" du 04.05.2010 à 09:54


L'application de cette loi s'avère complexe, c'est pourquoi j'ai voulu apporter des précisions techniques au cours d'un interview ci dessous:

 

 

 

Alors que la Haute autorité a fait son premier "point d'étape" lundi 3 mai, beaucoup mettent en doute l'application technique de la loi. Pour rappel, la loi "Création et Internet" prévoit d'instaurer une surveillance des réseaux peer-to-peer une riposte graduée, c'est-à-dire un premier avertissement par e-mail, un second par courrier recommandé, avant de couper l'accès à Internet. (pair-à-pair) et de punir les internautes qui téléchargent illégalement selon

 

Tout d'abord, la mise en place de la surveillance via la collecte des adresses IP (adresse identifiant chaque connexion Internet) est vivement contestée depuis la création du logiciel Seedfuck qui permet de diffuser de fausses adresses sur les réseaux P2P, mais aussi les adresses IP d'internautes n'ayant pas téléchargé.

 

"La collecte des adresses IP n'est pas très compliquée à mettre en place", explique Laure de la Raudière, député UMP d'Eure et Loir et ancienne directrice de région chez France Télécom. "Toutefois, si des fausses IP sont intégrées à cette collecte, alors la tâche sera beaucoup plus compliquée pour distinguer le vrai du faux."


"Dans de telles conditions, comment être sûr que l'on sanctionne une personne qui a bien commis une infraction ?", s'interroge Michel Zumkeller, député UMP du Territoire-de-Belfort, qui a récemment interrogé le ministre de la Culture à ce sujet.

 

"Les internautes n'ont rien à craindre"

 

"Franchement, Hadopi, ça ne peut pas marcher", tranche Aurélien Boch, membre de l'équipe dirigeante de la Ligue Odebi. "Avec des logiciels comme Seedfuck, on se rend compte que l'adresse IP n'est pas une donnée fiable et qu'il faudrait une enquête complète pour démontrer que quelqu'un télécharge illégalement. Les internautes n'ont rien à craindre", estime-t-il.

Peerates, bloggeur et observateur du réseau de téléchargement eDonkey (utilisé par eMule), met en doute la loi sur le plan juridique. "Il sera très facile de contester auprès d'un juge la coupure de son accès à Internet sur la seule foi de son adresse IP. On peut prétexter qu'elle a été piratée ou que l'on est victime d'un virus, le tout en présentant un disque dur formaté [vierge, NDLR]. Le juge sera obligé de rétablir l'accès à Internet, voire d'accorder des dommages et intérêts."

 

L'adresse IP, une preuve non fiable ? "Un juge devra le décider...", répond simplement Laure de la Raudière.


Des difficultés pour "couper Internet" tout en maintenant TV et téléphone

 

Par ailleurs, la possibilité de couper l'accès à Internet sans couper les services de téléphonie et de télévision inclus dans les abonnements semble compromise.

 

"Techniquement, je m'interroge sur la possibilité de couper une ligne Internet tout en maintenant les communications électroniques, cela me semble très compliqué en termes de protocole", note Laure de la Raudière. "Le travail des opérateurs s'annonce très compliqué et il y aura des endroits de France où ça ne marchera pas, en particulier là où il n'y a pas de dégroupage", avance la député UMP.


Très discrets sur la question, les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) avouent, sous couvert d'anonymat, que la technologie n'est pas encore opérationnelle. Ce procédé est "faisable" mais "très complexe", explique un FAI. "La solution n'est pas encore en place", ajoute un autre FAI qui précise que les discussions avec la Haute autorité n'en sont pas encore à ce stade mais plutôt "sur qui va envoyer les e-mails".

 

Un logiciel de sécurisation "impossible à réaliser"

 

Peerates pointe également "un gros problème vis-à-vis du logiciel de sécurisation", logiciel qu'il faudra installer sur son ordinateur pour justifier de sa bonne conduite en cas d'accusation à tort. "En tant qu'informaticien, j'affirme que c'est impossible à réaliser", lance le bloggeur. "Il est impossible de détecter si les fichiers échangés via les réseaux peer-to-peer n'est pas envisageable, même avec beaucoup d'argent", tranche cet observateur du réseau de téléchargement eDonkey. "Il y a tellement de problématiques que je doute que le logiciel sorte un jour." sont légaux ou non, s'il s'agit d'un MP3 ou d'un logiciel libre de droits. Il faudrait s'appuyer sur une base de fichiers considérable... L'infrastructure à mettre en place

 

Enfin, la communication vis-à-vis de l'Hadopi est aussi sujette à interrogation. A été annoncée la collecte de 50.000 adresses IP par jour. Or le lien entre une adresse IP et l'adresse d'un internaute est facturé par un FAI "entre 5 et 10 euros", selon Peerates. "La machine à e-mails va donc coûter au moins 250.000 euros par jour !"

Interrogés, les FAI confirment que la désignation du client derrière chaque IP a un coût, sans vouloir le chiffrer.

 

"Hadopi n'est pas la meilleure façon pour agir contre le piratage"

 

Au final, c'est l'idée même de la loi qui est mise à mal.

"Hadopi joue essentiellement sur la peur du gendarme : après avoir reçu le premier e-mail et la lettre recommandée, la majorité des gens arrêteront de pirater", résume Laure de la Raudière. "Ceux qui continueront le feront dans une démarche beaucoup plus volontaire... Mais, oui, il y aura encore du piratage après la loi. Hadopi n'est pas forcément la meilleure façon pour agir contre le téléchargement illégal et répondre à la véritable question qu'est le droit d'auteur", souligne la député UMP, qui appelle à la réflexion.

 

"La loi Hadopi est clairement une erreur", renchérit Michel Zumkeller. "Elle n'apporte aucune solution pour la rémunération des artistes", pointe le député UMP qui avait voté contre la loi. "Sera-t-elle utile ? Portera-t-elle ses fruits ? Je n'en suis pas persuadé... J'étais plus favorable à l'idée d'une licence globale qui apparaît comme la réponse la plus adaptée au téléchargement illégal", souligne-t-il. "J'envisage de déposer une proposition de loi en ce sens, qui même si elle n'est pas retenue, pourra relancer le débat."

 

"Une réflexion sur les droits d'auteur est absolument nécessaire"

 

"Il n'y a pas de baguette magique, il faut remettre à plat tous les modèles économiques existants et réfléchir au futur", lance Laure de la Raudière. "Une réflexion sur les droits d'auteur est absolument nécessaire."


Pour Aurélien Boch, la loi Hadopi ne "sera jamais appliquée jusqu'au bout". "La méthode est tellement improbable et coûteuse que si deux internautes se font chopper ce sera déjà pas mal", tranche-t-il. "Au final, les ayants droits continueront comme aujourd'hui à se concentrer sur les administrateurs des sites de partages et sur les super-téléchargeurs."

 

(Boris Manenti @manenti_boris – Nouvelobs.com)

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