« Société de l’information et de la connaissance » Compte-rendu. - 29 juin 2010
Voici, reprenant l'article du site internet de l'AEGE, des extraits de sa première soirée débat à l’Assemblée Nationale:
Introduction Caroline FEL:
Bienvenue à toutes.
Avant toutes choses, nous tenons à remercier très chaleureusement Laure de la Raudière, sans qui cette soirée ne serait pas possible, puisqu’elle a accepté de nous accueillir ici, à l’Assemblée nationale. Elle partagera avec nous ce soir son expérience et ses convictions sur les enjeux liés à la société de l’information. Merci également à Natacha Quester-Séméon, qui nous apportera à la fois un regard de femme d’entreprise, et toute son expertise du web, puisqu’elle est présente sur ces sujets depuis 1995. Nous devons excuser Nathalie Bassaler, empêchée au dernier moment, mais que nous aurons le plaisir d’accueillir à une prochaine occasion !
Merci à vous toutes, présentes, un lendemain de fête de la musique, et un soir de match … mémorable !
Enfin, merci à celles qui, depuis plusieurs mois, soutiennent et accompagnent cette démarche de construction de réseau, anciennes de l’Ege, et qui nous motivent, Julie, Stéphanie, Laetitia et moi, à continuer de tracer ce chemin pour les femmes de l’IE.
Cette soirée clôt ce que nous avons voulu être une année de construction, et ouvre une nouvelle page d’Aege au féminin.
Cette nouvelle page comporte l’ouverture du blog, lieu de partage de l’information, et la mise en place des soirées Regards Croisés. Le principe de ces soirées est d’apporter une lecture des enjeux basée sur les trois échiquiers, matrice d’analyse propre à l’Ege, en faisant intervenir des représentantes du monde politique, du monde de l’entreprise, et du monde de la recherche.
Notre volonté est de contribuer ainsi à la construction d’une véritable culture de l’information, indispensable à une société en pleine mutation technologique. L’information, si elle est un évident facteur de puissance, doit aussi être un facteur de développement à l’échelle d’une société.
Nous expérimentons toutes dans notre quotidien professionnel ces mutations, et c’est la volonté d’aller plus loin, de comprendre et d’éclairer les enjeux qui nous réunit ce soir.
Laure DE LA RAUDIERE
Mme de la Raudière rappelle qu’elle utilise Internet depuis 1996 et qu’elle est ingénieur des Télécoms. Elle est entrée en politique récemment, en 2007.
Au niveau politique, on ne maîtrise pas la nature de cette révolution qu’est le développement de la société de l’information conjointement à celui d’Internet, dont la pénétration est ultra-rapide (contrairement par exemple à la révolution que fut l’imprimerie, dont la diffusion prit des années) et porteuse de transformations de la société, notamment :
- transformations radicales de la relation à l’information,
- l’adage « l’information c’est le pouvoir » est rendu obsolète, l’information accessible à tous aujourd’hui remettant notamment en cause la relation des élus avec leurs administrés,
- enjeu fort de l’éducation des enfants…
En effet, tous les aspects de la société sont impactés : la santé, la propriété intellectuelle, la communication, le commerce, l’administration, les loisirs… et tous les modèles économiques sont remis en cause, comme ceux du monde de la musique, du cinéma ou encore de la presse…
Il convient dès lors d’accompagner ce passage d’un modèle économique vieillissant à un nouveau modèle, que l’on n’arrive malgré tout pas encore, à appréhender totalement…
Le numérique est porteur de croissance à plusieurs niveaux :
- au niveau des réseaux : cet aspect renvoie à un problème politique puisqu’il se traduit par :
- la fracture territoriale : à noter que les attentes d’un monde rural relatives à l’accès à Internet, sont désormais identiques à celles du citadin = l’accès à Internet est désormais perçu comme un droit fondamental, comme l’accès à l’eau ou l’électricité, et renvoie le politique à des questions d’aménagement du territoire ;
- la fracture sociale : accompagner la population à aller sur Internet. Cette fracture est de deux types : générationnelle (personnes âgées qui n’ont pas accès à des services qui leur sont désormais proposés sur Internet, l’Ipad pourrait être un bon support car simple d’usage) et sociale (les couches les plus défavorisées et les moins formées, souci des tranches d’âges qui n’auront pas connu Internet à l’école ou encore les non natifs car se développent là aussi de plus en plus de services accessibles par le Net…) et qui renvoie à l’enjeu de l’enseignement de et avec les TIC.
- Au niveau de l’industrie, sujet trop peu évoqué. Il s’agit ici de l’industrie européenne du numérique et ses enjeux en matière de souveraineté, de protection, de normes européennes et d’intelligence économique (ex des routeurs chinois installés, sans qu’on sache où vont les données ainsi récupérées…). A noter l’enjeu stratégique de la sécurité informatique.
- Au niveau des usages : les politiques sont confrontés à la vitesse du développement de l’Internet, à la diffusion de l’information et à la multiplicité des acteurs qui peuvent intervenir. Aucune surveillance n’est pratiquée, par manque de formation, notamment de leur e-réputation. Difficulté de légiférer (la réflexion sur ce sujet doit être menée au niveau international, comme pour les marchés financiers, pour éviter les stratégies de contournement). L’avenir réside dans l’éducation, plus que dans les filtrages.
Pour le monde politique, Internet constitue un formidable outil de démocratisation et de transparence. Il apporte des outils dont les élus ne disposaient pas auparavant, qui permettent aux citoyens de savoir ce que font leurs élus. Il faut impérativement savoir l’utiliser.
Natacha QUESTER-SEMEON
Pionnière dans le monde online, elle a notamment lancé avec l’association Humains Associés[2] depuis une quinzaine d’années une réflexion sur le fossé numérique et l’éthique du numérique et de l’Internet, pour aboutir à une charte « Néthique »[3] reprenant les grands principes de la « netiquette » des premières heures d’Internet, auxquels ont été ajoutés des éléments relatifs aux comportements, à l’identité numérique, aux contenus, etc. De nombreuses relations avec les partis politiques ont permis que ces derniers adhèrent à la charte.
Elle mène par ailleurs une réflexion – appuyée sur une véritable action de veille (et souligne d’ailleurs que cette dernière est par trop négligée)-, notamment sur les usages des citoyens, des media, des entreprises et les impacts de l’Internet sur la vie quotidienne.
Elle souligne les contradictions qui émergent de ce foisonnement d’usages : alors que l’on craignait le phénomène « Big Brother« , ce sont les individus eux-mêmes qui mettent en ligne des informations personnelles sur eux ou leurs proches. Cet exemple renvoie là encore, aux thématiques de l’éthique et de la e-réputation, qui deviennent fondamentales. Le seul moyen de gérer correctement ces problématiques est de se saisir de l’outil, et de le maîtriser.
Autre action à souligner : une réflexion sur les droits de l’Internaute, comme il existe les Droits de l’Homme… thème d’autant plus d’actualité que les usages sur mobile se développent rapidement puisqu’on estime que les mobinautes seront bientôt plus nombreux que les Internautes, entraînant la création de nouveaux services, nouveaux métiers(champ passionnant)… tout cela va toujours plus vite et les adaptations doivent l’être également.
La prise de conscience en France est malheureusement tardive, alors que nos voisins-concurrents ne nous attendent pas… cette prise de conscience doit se concrétiser par une attitude d’auto-formation et de remise en cause permanentes (accepter de ne plus être celui qui sait, même si c’est angoissant). Ce changement de posture doit s’accompagner de plus d’ouverture et d’interconnexions notamment entre les mondes privé et institutionnel. Un signe positif récent : l’appel à projets lancé fin 2009, dans le cadre du Plan de relance numérique, par le Secrétariat d’Etat en charge de la Prospective et du Développement de l’économie numérique… mais il faut aller plus vite car on prend du retard au niveau international…
A propos de girl power 3.0 : on remarque que pour les femmes, le numérique est un formidable outil d’émancipation, de prise de parole et de militantisme, mais aussi de création de nouveaux services, de gestion de sa vie professionnelle et privée (permet une souplesse, de sortir des cadres et moules des trajectoires classiques)… Au niveau européen, on constate qu’elles sont en train de dépasser les hommes dans l’utilisation de l’Internet. Les femmes ont effectivement un rapport à l’outil différent : elles semblent prédisposées à cet Internet participatif et collaboratif, très relationnel, où les aspects communautaires sont très importants. L’outil permet aussi un partage entre celles qui savent et les autres, en particulier un partage trans-générationnel.
Echanges avec la salle :
- Inquiétude relative à l’éducation des jeunes générations, qui comme certains de leurs aînés, gèrent mal la frontière de plus en plus ténue entre vie privée et vie publique. Un exemple de danger : la librairie du Congrès américain archive tous les tweets !
- Véritable paradoxe, que constitue le fait que l’instantanéité de la parole se double aujourd’hui de l’écrit (Twitter notamment), or « les écrits restent »….
- Essor dont les conséquences demeurent à expertiser : celui des smart-grids[4] (dans le cadre du développement des « green IT ») : installer ces objets qui permettent un contrôle des informations à l’émission soi-disant pour mieux gérer les dépenses énergétiques, pose la question du devenir de nos données personnelles (ex de Google qui se positionne ainsi en futur opérateur potentiel de l’électricité aux US). C’est un exemple de veille à lancer et mener, pour nos législateurs et il faut alerter sur ce genre de problématiques.
- Un frein à l’appropriation des outils Internet : les attaques personnelles dont on peut être victime par jalousie, par la concurrence… qui renvoient ainsi à des questions de fond de société, au-delà des seuls aspects technologiques.
- L’importance de la dimension veille & prospective doit être soulignée, pour ne pas se laisser entraîner par la vitesse et se retrouver dans une situation, où, ayant perdu le contrôle, l’on ne ferait plus que subir, constater et réagir au lieu d’anticiper et de prévoir pour agir. Cette société de l’information et de la connaissance, dont on parle aujourd’hui, ne doit pas se laisser réduire ni enfermer dans la conception d’une société de l’immédiateté uniquement. La perte d’une vision de long terme, nécessaire à toute réflexion portant sur de tels enjeux sociétaux, économiques, etc. qu’elle engendrerait, porterait un coup fatal à notre position sur les échiquiers internationaux. Car le binôme veille & prospective permet le développement d’une vision stratégique. Savoir prendre le recul, envisager les futurs possibles doit éclairer les actions et postures du présent. Imaginer le monde de demain doit permettre d’accompagner au mieux les différentes populations évoquées plus haut, et d’ajuster si nécessaire les politiques mises en œuvre. Revenir également à la notion de puissance : à quel moment perd-on ou reprend-on la main et la maîtrise ?
- La culture française constitue en elle-même un frein à cette prise de conscience nécessaire et à cette appropriation rapide des outils de l’Internet qu’elle implique. Le retard semble tellement important, qu’il faudrait faire un saut de géant pour le combler. Dans une société française qui a une telle culture de l’écrit, mais qui a encore du mal à gérer ses archives papier, le passage sur Internet semble laborieux…
En conclusion, cette soirée confirme la démarche qui est la nôtre, en mettant en avant les faiblesses françaises en matière de réflexion sur les enjeux de ces évolutions technologiques, et la nécessité de construire une véritable pensée, qui pourra servir de base à la mise en place de stratégies aussi bien politiques (enjeux de puissance, maîtrise de l’information stratégique, éducation) qu’entrepreneuriales (pour permettre à nos entreprises de rester dans le jeu à l’échelle internationale).
De nombreux sujets ont été évoqués au cours de cette soirée, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir, pour les développer plus largement.
Notre réseau s’inscrit dans une logique de partage avec celles et ceux qui travaillent déjà sur ces sujets, et vous propose de nous retrouver au mois de septembre, pour une prochaine soirée Regards Croisés.
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