Lu dans "les Inrocks" du 6 Mars: "Une majorité de politiques a un peu peur d'internet". - 07 mars 2011
Sous la plume d' Anne-Claire Norot, on peut lire ICI l'article suivant:
La cyberdémocratie, un idéal qui se fait attendre
Internet peut favoriser l'implication citoyenne, et pas seulement lors des révolutions. Pourtant, entre la frilosité des politiques et la pénurie de sites adaptés, l'avenir radieux de la cyberdémocratie se fait attendre.
De toutes parts, on ne cesse de souligner l'importance d'internet dans les révolutions du monde arabe. Pourtant, il n'y a pas que dans un contexte insurrectionnel qu'internet peut aider la démocratie. Les enjeux sont certes différents, mais chez nous aussi, le web a un rôle à jouer pour améliorer le fonctionnement des institutions et pour permettre au citoyen de faire entendre sa voix et de participer au processus de décision.
Mais, comme l'a par exemple montré la mobilisation sur internet autour de la loi Hadopi, pourtant forte et argumentée la plupart du temps, les pétitions en ligne, les blogs, les réseaux sociaux qui pourraient peser dans la balance n'ont en réalité qu'une influence mineure sur les politiques. Il semble donc manquer un cadre qui permettrait de tirer pleinement parti du potentiel d'internet comme vecteur d'une démocratie plus participative et attentive aux opinions citoyennes.
Quelle est la place de l'internaute dans le processus législatif ?
Une table ronde organisée à l'Assemblée nationale dans le cadre des débats de la Social Media Week - cycle de conférences autour des réseaux sociaux qui s'est tenu tout autour du monde du 7 au 11 février - s'interrogeait précisément sur la place de l'internaute dans le processus législatif.
Pour encourager les citoyens à venir sur les sites institutionnels existants et à participer, Laure de La Raudière, députée UMP twitteuse et très au fait des nouvelles technologies, a d'abord appelé à un "travail de transparence" sur les sites de l'Assemblée nationale et du Sénat :
"Je défie quiconque qui n'est pas assistant parlementaire de trouver la loi Paquet télécom sur le site de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas normal, tout citoyen devrait pouvoir trouver facilement un texte de loi en cours d'examen."
De fait, malgré un effort d'ouverture, les sites du Sénat et de l'Assemblée nationale - en plein dépoussiérage - demeurent touffus, peu conviviaux, et il est difficile de s'y exprimer. Sur le site du Sénat, les contributions ne sont possibles que par mail, même si un compte Facebook, très à jour, permet une amorce d'échanges.
Sur le site de l'Assemblée, les citoyens peuvent réagir aux études d'impact (qui examinent les conséquences d'un projet de loi) par formulaire, ou s'exprimer sur les forums, mais cela reste confidentiel : on relève quatre contributeurs et huit messages seulement sur le fil de discussion consacré à un sujet pourtant débattu, les retraites... L'administration a également créé un site spécifique, vie-publique.fr, un portail qui propose de suivre l'actualité parlementaire, de s'initier au fonctionnement des institutions, et qui centralise les différents débats publics en cours.
Les internautes peuvent contribuer par mail ou dialoguer avec la rédaction. Là encore, peu de succès : quatre messages ont été postés depuis fin 2008 ! Tangui Morlier, cofondateur de l'association Regards citoyens et cocréateur du site nosdeputes.fr, qui permet à chacun de mieux connaître le travail de son député, estime que l'absence de retours sur les contributions des internautes peut être un des facteurs expliquant ce désintérêt.
"Sur le site de l'Assemblée nationale, tout citoyen est invité à donner son opinion sur les études d'impact. Mais comme l'institution ne veut pas héberger des points de vue qui pourraient être litigieux, elle ne les met pas à disposition. Le citoyen peut contribuer, mais sa contribution n'est pas visible, et il ne sait pas ce qu'on en fait", explique-t-il.
Des sites non adaptés à l'interactivité
Ne jamais savoir si son message a été lu, ou même reçu, n'est pas très encourageant, et la publication des avis, gérée par un modérateur, serait une première étape. Cela permettrait non seulement de faire vivre le site en stimulant les contributions, mais aussi d'en améliorer la valeur. S'il se sait lu et pris en compte, l'internaute ne se contentera pas de messages épidermiques.
Robin Berjon, un expert du web (berjon.com), soulignait quant à lui l'importance de poser des questions précises : "Si on ouvre les vannes sur une question très générale comme 'Que pensez-vous de la bioéthique ?', les commentaires qu'on récoltera seront assez médiocres, si ce n'est insultants. Par contre, dès qu'on pose des questions précises, on a des retours de qualité."
Toutefois, la mise en place d'un dialogue numérique entre citoyens et politiques nécessite au préalable que ces derniers comprennent, maîtrisent et adoptent l'outil internet.
"Une majorité de politiques ont un peu peur d'internet, que ce soit par rapport à leur image personnelle, à la remise en question des modèles économiques traditionnels ou à de nouvelles menaces qu'ils ont du mal à appréhender, comme la cybercriminalité", confirme Laure de La Raudière.
Celle-ci insiste d'ailleurs sur la nécessaire "montée en compétence" des parlementaires sur internet. Mais pour cela, il serait indispensable qu'ils commencent tout simplement à s'y intéresser : quelques jours après cette table ronde, le texte sur la neutralité du net, capitale pour maintenir un internet libre et égalitaire, était débattu par... 21 députés.
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