J'interviens à l'Assemblée pour rappeler l'urgence de modifier la rémunération de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur. - 28 novembre 2011
Les textes qui régissent ce qu'on appelle « la rémunération pour copie privée » sont désormais totalement obsolètes.
Je milite donc depuis fort longtemps pour que l'on adapte le système actuel, à bout de souffle, aux exigences de l'univers numérique moderne.
On trouvera ici l'intégralité des débats du 23 novembre 1011 à ce sujet et ICI en Vidéo
Ci-dessous mon intervention :
Le texte que nous examinons aujourd’hui est nécessaire et urgent.
Nous sommes devant un mur : au-delà de la date butoir du 22 décembre, le système de la rémunération pour copie privée risque d’être gravement désorganisé, ce qui toucherait par ricochet une partie du système de financement de la création. Cela a été rappelé par les orateurs précédents.
Ce texte est donc nécessaire, mais il est loin d’être suffisant. Vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le ministre, et nous vous en sommes reconnaissants.
Le dispositif de la copie privée mis en place en 1985 est à bout de souffle, je suis bien d’accord, monsieur Dionis du Séjour. Le prolonger encore ne rend service à personne, et certainement pas aux artistes et à la création.
Comme plusieurs de nos collègues, je pense qu’il faut reconstruire complètement le dispositif. Et c’est bien normal : même si cela nous rappelle de bons souvenirs de jeunesse, nous ne sommes plus au temps de la radio-cassette ou même du baladeur CD !
Il ne faut pas toucher aux fondations sur lesquelles repose ce système : la propriété intellectuelle et le droit d’auteur sont des éléments essentiels de notre politique et la création doit continuer à être aidée.
La France a fait de longue date le choix engagé de soutenir la création culturelle et de la faire rayonner dans le monde entier. Il est hors de question de remettre en cause l’exception culturelle, à laquelle je suis attachée, à laquelle nous sommes tous attachés, quels que soit les bancs sur lesquels nous siégeons.
Reste maintenant à voir comment s’organiser au mieux pour atteindre ces buts, et c’est pour cela que j’aurais aimé que vous nous présentiez un texte plus réformateur.
En effet, les dispositifs actuels ne sont plus adaptés, à mon avis, aux technologies du numérique et ils reposent sur une organisation et des choix de politiques publiques qui doivent être rediscutés.
Prenons l’exemple d’une personne qui dispose d’un ordinateur, d’un disque dur externe de sauvegarde, d’un téléphone portable : c’est une situation classique de nos jours. Admettons que cette personne n’ait qu’une seule bibliothèque musicale ; mais elle l’a sur son PC, sur son mobile et en conserve une sauvegarde sur son disque dur : situation encore assez classique. Avec le système actuel, il me semble que cette personne paye trois fois ce qui n’est finalement, en termes d’usage, qu’une seule copie. Avouons-le-nous : ce n’était pas la logique au moment de l’adoption du texte en 1985 – et pour cause !
Et maintenant se commercialisent,
Mme la rapporteure l’a noté, des offres de cloud computing. Imagine-t-on sérieusement pouvoir appliquer le
système de la copie privée au cloud
computing ?
C’est, vous le savez, un secteur prometteur, que le Gouvernement a décidé de
soutenir par le biais d’un appel à projet dans le cadre des investissements
d’avenir, et je salue cette décision : nous pensons que ce peut être une
filière d’excellence française, génératrice de croissance et d’emplois.
Serait-il pensable d’infliger à ce secteur à peine émergent une redevance franco-française, alors que les services de cloud computing peuvent aisément – vous le savez – être installés à l’étranger ? C’est un sujet majeur, qui nous obligera à revoir le système de la copie privée.
Du point de vue de l’organisation, beaucoup de choses, trop de choses à mon avis, transitent par des sociétés privées, les sociétés de perception et de répartition des droits. Initialement chargées de collecter les droits et de les redistribuer, elles ont vu leur champ d’action s’étendre : elles s’occupent maintenant de soutien à la création, dans des proportions non négligeables, mais aussi de formation professionnelle des créateurs et des artistes. Est-ce vraiment leur rôle ? J’aurais tendance à penser que non, mais on peut en discuter.
Se pose aussi, plusieurs orateurs l’ont dit, la question de leur fonctionnement et de leur organisation, qui fait l’objet de critiques récurrentes de la part de la commission chargée de leur contrôle.
Enfin, comment ne pas voir qu’il y a un problème entre le collège des ayants droit d’un côté, et celui des industriels et des consommateurs de l’autre côté, au sein de la commission de la copie privée ? Les décisions sont prises avec les seules voix des ayants droit et d’un ou deux membres des autres collèges. Elles sont quasi systématiquement déférées devant la justice, et très régulièrement annulées. L’ambiance est exécrable et les ponts sont rompus depuis longtemps. Il n’est pas souhaitable de continuer comme cela.
Monsieur le ministre, nous savons que le dispositif mis en place en 1985 est maintenant obsolète – il aura tenu plus de vingt-cinq ans.
Au moment où nous examinons ce projet de loi, je souhaite que vous nous apportiez des éclairages sur le nouveau dispositif que vous envisagez – dans le cadre de la commission que vous avez mise en place et qui réfléchit à ce sujet – pour nous permettre de rester dans le cadre fixé par la directive européenne et de respecter les arrêts du conseil d’État. Ce dispositif devra surtout être pérenne, afin de protéger l’exception culturelle française.
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