Discours du 27 Octobre 2010 à Bercy - remise de mon rapport à Christian Estrosi et Valérie Létard - 02 novembre 2010
Voici le discours que j'ai prononcé à l'occasion de la remise mon rapport sur la simplification des mesures administratives dans l'industrie :
Monsieur le Ministre, chargé de l’industrie, Cher Christian Estrosi,
Madame le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Ecologie, Chère Valérie Létard,
Mesdames et Messieurs
En concluant le 4 mars 2010, les Etats Généraux de l’Industrie, le Président de la République a souligné la nécessité d’établir un nouveau pacte économique et social autour du caractère indispensable de l’industrie pour l’économie et la société françaises.
Cette démarche stratégique se décline dans les 23 mesures issues des états généraux de l’industrie.
Parmi ces 23 mesures, il est prévu une mesure générale de simplification de la réglementation applicable à l’industrie, objet du présent rapport
Lors des nombreuses auditions que nous avons menées auprès des différentes branches industrielles, lors des visites d’entreprises que nous avons effectuées, dans les multiples contacts que nous avons eus, nous avons pu mesure l’importance que revêt cette mission aux yeux des industriels. Il s’agit de veiller à ce que les enjeux de la compétitivité de l’industrie française soient mieux pris en compte au moment de l’élaboration des textes réglementaires ou législatifs.
Monsieur le Ministre, Madame la Secrétaire d’Etat, ce sont de véritables appels au secours des industriels !
Les leitmotivs, que nous avons entendus au cours des auditions, sont les suivants :
« les textes sont trop nombreux, parfois redondants, souvent très changeants, ne tenant aucunement compte des cycles d’investissement industriels»
« nous sommes des acteurs responsables, naturellement soucieux des risques environnementaux et sanitaires : intégrez d’abord nos bonnes pratiques dans la réglementation, plutôt que d’en imaginer d’autres ! »
« nous avons besoin d’une écoute attentive de la part de l’administration, afin que certains assouplissements de bon sens puissent être décidées au niveau du département »
« nous avons besoin de délais de réponse plus courts de l’administration »
« la concurrence sur nos activités est mondiale (ou à minima continentale), il faut en tenir compte et ne pas raisonner franco-français »
Et aussi le symbolique : « nous comptons sur vous, votre mission est primordiale pour notre compétitivité », parfois dit par pure politesse tant les industriels français ont l’impression que chaque année apporte son lot supplémentaire de contraintes administratives, qui sont devenues une fatalité ; parfois avec une lueur d’espoir qui trouve son origine dans les Etats Généraux de l’Industrie et la volonté du gouvernement de défendre l’Industrie Française.
La lettre de mission des 3 ministres (Jean-Louis Borloo, Christine Lagarde et Christian Estrosi) fixe l’objectif « identifier un ensemble de simplifications du droit applicable aux entreprises françaises et susceptibles de faciliter leur activité et d’améliorer leur compétitivité ».
Mais la mission était clairement encadrée : « les travaux ne doivent pas remettre en cause les grands objectifs des politiques publiques concernées, notamment environnementales, sanitaires ou sociales en [se] concentrant notamment sur leur mise en œuvre ».
Le champ de la mission est donc très vaste : bien des rapports ont déjà traités de la simplification de la réglementation applicable à l’industrie.
Alors mon objectif permanent a été de porter à la décision du gouvernement des mesures directement applicables et avec un fort effet de levier en matière de compétitivité. Ces mesures peuvent toutes s’insérer facilement dans le corpus réglementaire existant sans changer bien sûr, les objectifs de protection sanitaire et de l’environnement.
Comment avons-nous procédé ?
D’abord, j’ai eu la chance de travailler avec des professionnels motivés, que je tiens à saluer. En premier lieu, le rapporteur Pierre PALAT, Ingénieur Général des Mines, membre du Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologie, assisté de deux autres membres du CGIET, Mathias de JOUVENEL et Yves MAGNE. A ce groupe de travail, participaient aussi, comme représentant du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, monsieur Henri LEGRAND, Ingénieur Général des Mines, membre du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable ; comme représentant du Conseil d’Etat, Monsieur Alexandre LALLET et enfin (et non des moindres) comme représentant de l’industrie, Monsieur Jean PELIN, directeur général de l’Union des Industries Chimiques (secteur emblématique où le poids de la réglementation sanitaire et environnementale est extrême). Je les remercie chaleureusement pour le travail effectué et l’expertise apportée sur ces sujets techniques.
Nous avons rencontré la plupart des acteurs concernés :
Les services centraux de l’Etat bien sûr : Direction Générale de l’Industrie et Direction Générale de la Prévention et des Risques, la (DGCCRF), ainsi que des Agences Nationales telles que l’AFSSA, l’AFNOR
Les services décentralisés de l’Etat car ce sont eux qui décident sur le terrain, et contrôlent (Préfecture de département, de région, Dirrecte, DREAL…)
Les fédérations industrielles et professionnelles : 17 auditions (Medef, CGPME, GIFAS, Union des Industries Chimiques, FEBEA, FIEEC…)
Nous avons aussi recueilli le témoignage concret de chef d’entreprises et nous avons effectué des visites d’entreprise, afin de mieux comprendre comment mettre en place des actions concrètes, directement applicables
Nous avons identifié que les principaux gains de simplifications et d’améliorations (à objectifs constants) se trouvent
dans la réduction des délais d’autorisation d’installation ou d’agrandissement d’un site industriel : c’est un impératif
dans le meilleur accompagnement des entreprises au sein de la « jungle » réglementaire et dans une « modernisation » des relations des industriels avec les services de l’Etat
et enfin dans une nouvelle méthode pour la conception de la réglementation qui prennent en compte les objectifs de compétitivité de l’industrie française
En premier lieu : la réduction des délais est impérative
Les industriels ne peuvent pas attendre deux années pour avoir une décision du CODERST, surtout si celui-ci est défavorable…surtout quand les projets d’investissement dans un nouveau site sont envisagés pour des raisons d’amélioration de la compétitivité ou de conquêtes de nouveaux marchés.
Il nous a semblé utile que l’Etat s’organise en « miroir » de l’organisation des industriels en nommant un « chef de projet », placé auprès du Préfet et missionné pour coordonner l’ensemble des services de l’Etat intervenant dans le cadre du projet industriel.
Prenons l’exemple de l’installation de deux data centers du groupe Crédit Agricole dans ma circonscription, précisément l’un à Fontaine La Guyon et l’autre à Mainvilliers : les procédures impactées étaient nombreuses : urbanisme avec révision du PLU, instruction du permis de construire, loi sur l’eau à cause de impact possible de ruissellement et d’infiltration, fouilles archéologiques, protection du patrimoine à cause des « cônes de vue » de la cathédrale de Chartres, autorisation d’installation…
Même si la Réforme Générale des Politiques Publiques a simplifié l’organisation en regroupant les services que ce soit au sein de la DDT ou au sein de la DREAL, on voit bien la nécessité de « piloter » le projet du coté de l’administration, en menant les procédures en parallèle, en suivant les délais d’intervention de chacune des administrations et aussi en restant en relation régulière avec le chef de projet du coté « entreprises ».
Je suis certaine que cette proposition simple, sans augmentation des dépenses pour l’Etat, sans changement des prérogatives des différentes administrations, sans changement des objectifs de la réglementation, est source de simplification, de meilleure compréhension des attentes mutuelles et de réduction des délais.
Afin de réduire les délais, il me semble également utile de ne pas refaire deux fois le même travail administratif quand cela n’est pas nécessaire.
Je pense en particulier à trois mesures à étudier d’un point de vue juridique :
la réutilisation des études d’impact, lorsqu’elles ont déjà été faites par exemple dans le cadre de l’élaboration d’un PLU ou d’une ZAC, s’il existe un projet industriel sur la zone. Je souhaiterai que l’on puisse réutiliser l’étude d’impact, dans les cas où elles restent d’actualité. Charge pour les entreprises de les compléter par des points spécifiques à leur projet
la conduite d’enquêtes publiques communes à plusieurs procédures : c’est un gain de temps substantiel.
Dans mon rapport je propose aussi des mesures spécifiques de réduction des délais dans le cadre de la procédure d’instruction des installations classées. Il s’agit en particulier de favoriser la réussite et le développement du nouveau régime de l’enregistrement, intermédiaire entre le régime de la déclaration et le régime de l’autorisation. Il s’agit aussi de mieux utiliser les souplesses existantes dans la réglementation, en particulier afin que les préfets veillent à appliquer de façon justifiée la notion de « modification substantielle ».
Il me semble aussi possible de responsabiliser le chef d’entreprise sur les délais d’instruction, en lui donnant la possibilité de demander la convocation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, s’il estime que c’est dans son intérêt.
En effet, le préfet cherche souvent à obtenir l’adhésion des membres du CODERST : cela prend parfois beaucoup du temps et cela nécessite des compromis qui –même s’ils sont peut-être justifiés d’un point de vue protection de l’environnement par rapport au site choisi - peuvent être préjudiciables pour la rentabilité du projet. Aussi l’industriel pourrait, après discussion avec le préfet, et bien sûr en fin de procédure, exiger l’examen de son projet en CODERST. Cela responsabilise le chef d’entreprise par rapport à son projet et ses délais.
En deuxième lieu : un meilleur accompagnement des entreprises et une modernisation des relations avec les services de l’Etat
Les industries, en particulier les PMI, demandent à ce que l’administration soit en position de « facilitateur » – je n’ose pas dire « conseil » mais… - au moins au début de l’examen des procédures. Elles souhaitent l’établissement de relations de confiance avec les services de l’Etat.
Certaines pistes simples sont proposées : mise en place d’une charte d’accueil présentant les différents services de l’Etat dans chaque région avec : noms et rôles des correspondants ainsi que leurs coordonnées, mise en place d’un guichet unique au niveau régional pour faciliter l’orientation des entreprises industrielles vers les aides techniques et financières et nous avons aussi parler de la nomination des chefs de projet dans le cadre de la réduction des délais, mais qui faciliteront aussi l’accompagnement des entreprises.
Et puis, Monsieur le Ministre, Madame le Secrétaire d’Etat, comme vous connaissez mon attachement au secteur du numérique, j’ose aussi vous dire que les entreprises, et les industries en particulier, souhaiteraient avoir des relations que je qualifierai de « 2.0 » avec les services de l’Etat – C'est-à-dire en utilisant tous les outils modernes de communications.
Ainsi, des outils peuvent être mis en place :
En premier : Accès à un portail Internet de remontées des difficultés rencontrées par les industriels dans l’application de la réglementation existante, afin que l’Etat se place dans un processus d’amélioration continue. On peut imaginer que ces informations pourraient être analysées par le futur commissaire à la simplification et par la CNI.
En second : Amélioration de l’information des industriels sur le déroulement de l’instruction par l’indication de délais cible de chacune des étapes et par la mise à disposition d’une interface informatique permettant le suivi de la procédure par l’industriel.
Enfin, poursuite de la dématérialisation des procédures et renforcement de l’administration électronique évitant ainsi aux industriels de fournir à plusieurs services de l’Etat les mêmes informations et souvent sous format papier.
Le dernier et grand chantier que je voudrais mentionner ce soir n’est pas le moindre. J’y suis particulièrement attachée et il doit s’appliquer pour toutes les nouvelles réglementations applicables à l’industrie à l’avenir. Il doit permettre la réduction de l’écart des exigences réglementaires et législatifs entre la France et les pays comparables de l’Union européenne, c’est essentiel.
J’appelle en effet de mes vœux une nouvelle façon de concevoir la réglementation future avec l’emploi au cœur des priorités :
- il est légitime que la France puisse avoir des exigences de protection de l’environnement, spécifiques et nationales, mais elle doit en premier lieu porter ses exigences au niveau européen. A ce titre la France doit renforcer sa présence dans les institutions européennes chargées de l’Industrie, afin d’y faire entendre sa voix.
- Les transcriptions des directives européennes, que ce soit d’un point de vue législatif ou réglementaire, ne doivent pas se traduire par un durcissement hexagonal, (sauf cas particuliers motivés et précisés dans une étude d’impact préalable)
- Toute nouvelle réglementation de nature « régalienne », applicable à l’industrie, devra faire l’objet d’une étude, tenant compte –de l’impact en matière de compétitivité et d’emploi, parallèlement aux enjeux de protection de l’environnement et sanitaire
- Toute nouvelle mesure spécifique devra faire l’objet d’une évaluation a posteriori.
- Lorsqu’aucune étude d’impact n’est possible, alors il conviendra de recourir à des expérimentations avant de légiférer ou de réglementer.
A mes yeux, il n’y a pas de raison pour qu’une réglementation européenne soit traduite de façon différente en Allemagne et en France. L’Allemagne est aussi un pays où la protection de l’environnement et le risque sanitaire sont des enjeux majeurs depuis des années.
Il n’y a donc aucune raison – a priori – pour qu’un seuil réglementaire, quel que soit le secteur d’activité, soit différent en France par rapport à l’Allemagne.
Madame et Monsieur le Ministre, je suis convaincue que ce gouvernement, qui a lancé le grand chantier des Etats Généraux de l’Industrie, qui veut développer l’emploi industriel en France, aura à cœur de mettre en œuvre ces propositions, synonymes de simplification et de compétitivité.
Je vous remercie.
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