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Visite du quartier général de UBER France. - 11 février 2016
En ce moment, la société Uber est au centre d’une polémique violente, elle est même à l’origine d’un mot nouveau qui fait florès : « l’Ubérisation ».
On voit aussi quotidiennement son nom dans la presse où elle fait figure d’épouvantail dans la guerre des taxis.
Répondant à son invitation, j’ai voulu faire le point en me rendant dans le 19e arrondissement au sein de son siège parisien.
Il y a quelques mois, j'avais reçu des représentants de la G7 et de Taxis Bleus à Paris pour les écouter aussi.
Quelques chiffres d’abord : à Paris il y a environ 18000 taxis et 7000 « véhicules de transport avec chauffeur ». À titre de comparaison, Londres accueille 22000 taxis et 80 000 VTC (contre lesquels les célèbres « taxis noirs » britanniques ont aussi manifesté il y a quelques jours).
Pour devenir VTC, il faut obtenir un agrément spécifique du ministère des transports : 2000 VTC ont ainsi été agréés l'année dernière pour toute la France.
La situation est tendue car le « numerus clausus » des taxis, défendu âprement par les sociétés de réservation de taxis, a créé une rareté de l'offre, et donc un prix élevé pour l'acquisition des fameuses « plaques » (licences obligatoires pour exercer la profession de taxi).
Le marché des taxis a donc été maintenu dans une situation de ‘’sous offre’’ chronique, que l’on perçoit facilement aux heures de pointe ou les jours de pluie, lorsque l’on cherche désespérément un véhicule disponible dans Paris.
La nature, et l’économie ayant horreur du vide, une alternative aux taxis classiques devait inévitablement voir le jour, en l’occurrence, dans la douleur comme bien souvent dans le cas d’un changement d’ère économique.
Le développement des VTC a été d'autant plus rapide, qu'il apportait des nouveautés en matière de service : commande simple par application sur un smartphone, interaction possible et simple avec le chauffeur, géolocalisation du point de prise en charge, paiement par prélèvement...
Je ne peux pas m’empêcher de voir ici encore une gestion très approximative du dossier par le gouvernement :
Comment par exemple peut-on pérenniser une règle qui veut que les VTC soient obligatoirement des grosses voitures énergivores (plus de 4,50 m et 115 chevaux) alors même que la plupart des trajets sont urbains ?
Comment peut-on pérenniser les situations dans laquelle les citadins ne trouvent qu’une offre de transport rare et chère au moment même où la disparition du véhicule individuel en ville est au cœur des débats ?
Comment peut-on continuer à voir autant de taxis refuser les paiements en carte bancaire, alors que c'est un mode de paiement généralisé et que les concurrents VTC en font une règle ?
Comme toujours dans les périodes de transition d'un système en fin de vie à la mise en place d'un nouveau, il existe des tensions violentes.
Une chose me semble certaine : le consommateur choisira toujours la meilleure offre en matière de qualité, de prix, et de service.
Nous savons tous que nous ne reviendrons pas en arrière. La responsabilité du gouvernement est donc d'accompagner la transition du modèle d'hier bâti sur la rareté d'une offre unique vers un modèle plus équilibré en matière d'offres et de choix de services !
Le gouvernement a également le devoir d’établir une concurrence loyale entre les acteurs : équité en matière de charges sociales et équité d'un point de vue fiscal.
Sur ce dernier point en particulier, l'OCDE doit réviser les règles internationales en matière de conventions fiscales entre les pays. La mondialisation de l'économie, doublée de sa dématérialisation, permet trop souvent aux géants de l'Internet - légalement - de ne quasiment pas payer d'impôts dans les pays où il réalisent leur chiffre d'affaires et leur marge.
Cette situation est bien évidemment insupportable.
En bref, ce dossier, comme bien d’autres, mériterait d’être étudié sur le fond plutôt que de faire l’objet d’une gestion au coup par coup, au gré du mécontentement bien compréhensible des partenaires économiques.
Lire ICI l'article très "fouillé" de Nicolas Colin à ce sujet.
Pour comprendre la chronologie des faits, rien de mieux que l’excellente synthèse publiée par le cabinet MB&Scott que je reproduis ci-dessous :
1er round : "500 taxis ont réussi à mettre à genoux le Premier Ministre"
La compagnie de taxis G7, qui assure un quasi-monopole depuis 35 ans sur les taxis, démarre en premier les hostilités en alignant ses troupes : 500 taxis dans les rue de Paris pour 3 jours de blocage les 26, 27 et 28 janvier. A l’issue de ce coup de force, Manuel Valls annonce un renforcement des contrôles visant les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), accusées par les taxis de concurrence déloyale, en visant notamment les chauffeurs capacitaires “Loti”. Les compagnies de taxis ont obtenu que les LOTI titulaires de ce statut particulier soient éjectés des plateformes de réservation
2ème round : "la chasse aux LOTI est ouverte"
Les LOTI seraient plusieurs milliers en France. Il s'agit de chauffeurs qui ont suivi une formation moins chère et plus courte que les VTC, et qui peuvent transporter des groupes, entre deux et neuf personnes. Beaucoup sont inscrits sur les plateformes Uber, Chauffeurs privés ou SnapCar.
Le gouvernement a donc demandé donc aux plateformes de réservations de rayer ces chauffeurs de leur base de données. Des lettres ont été envoyées, signées par le secrétaire d'Etat chargé des Transports Alain Vidalies, à une vingtaine de plateformes de réservation pour les mettre en demeure de respecter la loi. Pour ces chauffeurs “Loti”, les courses via les applications représentent 70 % de leur chiffre d'affaires.
«En retirant les Loti des plateformes, le gouvernement met instantanément au chômage des milliers de personnes qui vont perdre leur emploi à cause d’un coup de force de 500 taxis» déclare Joseph François, de l’association Mobilité Transport qui rassemble des entreprises de chauffeurs capacitaires Loti.
3ème round : la riposte des plateformes de chauffeurs VTC
Six plateformes de réservation par internet, alignent à leur tour leur troupes 200 véhicules dans les rues de Paris et autour des aéroports les 4 et 5 février.
4ème round : le gouvernement dégaine enfin la publication du décret d'application simplifiant les conditions d'accès à la profession de chauffeurs de VTC
Pour remplacer la formation des 250 heures de formation à la profession de chauffeur VTC, le gouvernement va demander aux candidats de remplir des questionnaires à choix multiples (QCM). A priori cette mesure pourrait jouer ben faveur des VTC. En fait, comme les taxis, ils s’inquiètent de la suppression des 250 heures de formation. «Attendons-nous à une marée extraordinaire de chauffeurs de VTC non qualifiés qui fourniront aux éditeurs d'application une main-d'œuvre illimitée avec un turnover inépuisable de chauffeurs prêts à travailler à perte”, préviennent conjointement les organisations de VTC mais aussi les taxis.
5ème round : la mission du médiateur
Le député socialiste de Côte d'Or, Laurent Grandguillaume, est nommé médiateur par le gouvernement. Sa mission :"chercher des solutions équilibrées pour que chacun trouve son marché". Six plateformes de mise en relation (Allocab, Chauffeur-Privé, Marcel, LeCab, SnapCar, Uber) ont accepté de le rencontrer.
Dernières nouvelles du front : "10 000 emplois en danger"
Les plateformes de mise en relation déplorent que le médiateur mène des consultations avec les différents acteurs du transport individuel sans avoir gelé la mise en oeuvre des mesures à l’encontre des chauffeurs VTC. En réponse, une cinquième journée de mobilisation mardi 9 février réunit VTC et Loti. Pour soutenir le mouvement, Uber suspend l'accès à l'application de réservation entre 11H00 et 15H00 "afin de montrer aux responsables politiques à quoi ressemblerait une France sans chauffeurs".
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