Loi sur le renseignement : j'appelle les députés à saisir le Conseil constitutionnel. - 21 avril 2015
Avec Pierre Lellouche, nous envoyons aujourd'hui le courrier ci -dessous à tous nos collègues députés, afin d'organiser une saisine parlementaire argumentée contre le projet de loi sur le renseignement.
Suite à l’annonce, ce dimanche, du Président de la République de saisir lui-même la haute juridiction, nous estimons que même si cette décision va dans le bon sens, elle n’est pas suffisante , car nous ignorons quel sera le champ de cette saisine.
Il nous semble donc constructif et utile de procéder à une saisine parlementaire.
Les principaux points suscitant l’inquiétude auprès de nombreux concitoyens sont:
1/ Les champs d’habilitation des services de renseignement, assez flous et très larges, pouvant donc ouvrir la voie à des dérives.
2/ La mise en œuvre de techniques intrusives permettant la collecte massive de données sur les réseaux de communications, point sur lequel les Présidents de la CNIL et du CNCIS ont émis des réserves.
"Il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient déterminés à défendre la République et de l’autre, le camp des naïfs ou des mauvais patriotes, complaisants vis-à-vis du terrorisme. Notre démarche est tout simplement celle d’élus de la Nation, déterminés à la fois à se battre contre les terroristes et contre d’éventuelles dérives qui pourraient menacer nos libertés."
Voir aussi l'article de "Libération" à ce sujet ICI.
Laure de La Raudière
Député d'Eure-et-Loir
Maire de Saint-Denis-des-Puits
Pierre Lellouche
Ancien Ministre
Député de Paris
Paris, le 21 avril 2015
Cher(e) collègue,
Dès la rentrée, mardi 5 mai, nous serons appelés à voter sur le projet de loi sur le renseignement, présenté en procédure accélérée. Il ira ensuite au Sénat puis fera l’objet d’une Commission Mixte Paritaire, sans doute consensuelle. Il n’y aura donc vraisemblablement pas de nouvelle lecture.
Lors des débats, les députés de la majorité comme de l’opposition étaient tous en phase sur les objectifs du texte, à savoir : donner un cadre légal aux pratiques actuelles des services de renseignement et mieux lutter contre le terrorisme.
Mais, malgré la communion de la Nation sur les objectifs, le texte a suscité beaucoup d’inquiétudes à travers le pays et d’interrogations parmi les parlementaires sur tous les bancs de l’Assemblée.
Cette inquiétude est liée à l’habilitation des services de renseignement à enquêter pour des objectifs très larges et à la possibilité de mise en œuvre de moyens de surveillance des communications électroniques à grande échelle, pour des enquêtes administratives et donc sans décision de justice.
A titre d’exemple, les services de renseignement seront habilités à intervenir pour prévenir « des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale » ou « des atteintes à la forme républicaine des institutions », notions assez floues qui peuvent ouvrir la voie à certaines dérives.
Le texte prévoit par ailleurs la mise en œuvre de techniques permettant la collecte massive de données sur les réseaux de communications, autant d’aspects qui ont soulevé une inquiétude réelle à travers tout le pays, dans le monde judiciaire, parmi les associations, les journalistes, dans le monde de l’internet, mais également parmi les citoyens et les parlementaires sur tous les bancs. Les présidents d’autorités indépendantes compétentes sur ces sujets (CNIL et CNCIS) ont émis de grandes réserves, à cause de ces techniques attentatoires au respect de la vie privée.
Ce texte soulève donc la question très difficile de l’équilibre qu’il convient de trouver entre d’une part, le renforcement des moyens et la protection de nos services de renseignement, et d’autre part, la proportionnalité de leurs intrusions dans les libertés individuelles, et notamment la vie privée de chacun de nos concitoyens.
Si l’on doit regretter que le Premier ministre et certains membres du Gouvernement aient débuté ce débat en écartant d’emblée toutes les critiques contre le texte, considérant que celles-ci ne pourraient émaner que de gens peu informés (« qui ne l’auraient pas lu ») ou de personnes « victimes de fantasmes ou de peurs sans fondement », il est heureux qu’au fil de la discussion, le Gouvernement ait bien voulu comprendre qu’il y avait dans ce texte un certain nombre de risques de détournements éventuels, dommageables pour nos libertés.
Au terme d’un compromis conclu entre la majorité et l’opposition, le Gouvernement a accepté un certain renforcement du contrôle démocratique des demandes d’enquêtes administratives. Ainsi, la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (la CNCTR) sera constituée de 13 membres dont 6 parlementaires et 6 magistrats et d’une personnalité qualifiée, experte en communications électroniques.
Son Président, nommé par le Président de la République, devra être confirmé dans le cadre de la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution, à savoir par un vote des commissions compétentes dans les deux Assemblées. Le Président de la Commission des lois s’est engagé à déposer une proposition de loi organique en ce sens. Ainsi, le contrôle politique de l’activité de l’exécutif en matière de renseignement, sera sensiblement renforcé par une forte implication du Parlement.
Néanmoins, le texte, issu de l’Assemblée nationale, soulève encore beaucoup d’inquiétudes : que ce soit du fait de l’usage d’algorithmes prédictifs pour détecter des comportements suspects ou de la possibilité d’interceptions en temps réel sur les réseaux de communications électroniques, dans des termes vagues, qui ne permettent pas d’assurer qu’il n’y aura pas (ou jamais) de surveillance de masse mise en place. Certaines questions posées au gouvernement sur ces sujets, pourtant sensibles, sont restées sans réponse.
Faisant écho aux interrogations légitimes soulevées par le texte, le Président de la République a annoncé vouloir saisir le Conseil constitutionnel. Cette décision va dans le bon sens, mais elle n’est pas suffisante car nous ignorons quel sera le champ de cette saisine et nous ne serons vraisemblablement pas consultés.
Il nous semble donc constructif et utile de procéder à une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, argumentée sur les dispositifs préoccupants.
Cette discussion l’a montré, les inquiétudes se sont manifestées dans tous les groupes politiques, sans esprit partisan. Il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient déterminés à défendre la République et de l’autre, le camp des naïfs ou des mauvais patriotes, complaisants vis-à-vis du terrorisme. Notre démarche est tout simplement celle d’élus de la Nation, déterminés à la fois à se battre contre les terroristes et contre d’éventuelles dérives qui pourraient menacer nos libertés.
Cette lettre est donc adressée à l’ensemble des députés, de tous les groupes.
Si vous pensez qu’une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel est indispensable sur un texte touchant ainsi aux libertés individuelles, nous vous invitons, cher(e) collègue, à nous signifier par courrier ou mail, avant le 4 mai 2015, votre appui à cette démarche.
Très cordialement,
Laure de La Raudière |
Pierre Lellouche |
8 Commentaires |
Lacombe
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Bravo pour votre engagement qui au regard de votre formation prend encore plus de légitimité. |
George
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Bravo ! Félicitations pour votre démarche. Vous avez tout mon soutien. |
Seraphin
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Bonjour. |
Cactus
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La pétition ne m'a pas été présentée, mais suis de tout cœur avec votre action citoyenne ! BRAVO |
Pauline
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Bonjour, |
merci
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Merci Madame. |
Elisabeth
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Ue peut-on faire, en tant que citoyen, pour appuyer votre démarche auprès de nos députés ? |
SurveillancePourTous
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il y en au moins 2 qui ne roupillent pas. |
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